La 3ème révolution urbaine : une réponse aux grands enjeux actuels de société

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Emmanuel FRANCOIS, Président de la Smart Buildings Alliance, Président du fonds de dotation MAJ

Le numérique à l’origine d’une mutation majeure des activités humaines :

Depuis quelques années nous assistons progressivement à une mutation majeure des activités humaines sous l’impact du numérique remettant en cause les fondamentaux même de l’organisation de notre société. Alors que nous espérions tous avoir assez de temps pour adapter progressivement nos modèles et organisations, la crise sanitaire actuelle vient précipiter ces transitions avec des effets domino systémiques qui nous obligent à agir très rapidement. Toutes nos activités sont concernées à commencer par le travail qui avec l’essor du télétravail et du free-lance nous oblige à repenser l’entreprise et l’immobilier d’entreprise. Mais cela concerne également l’enseignement, la santé, le commerce, la culture, les divertissements, etc… Toutes ces activités pouvant être effectuées en mode physique ou à distance (online).

L’humanité face à 6 défis majeurs :

Face à cette mutation sociétale nous sommes également soumis à des défis majeurs qui chacun menacent l’équilibre de notre société et nous contraignent à des mesures rapides. Il y a bien entendu le défi environnemental qui nous interpelle tous les jours avec la question du réchauffement climatique mais également le défi démographique avec le déséquilibre Nord Sud et le vieillissement des populations occidentales ; le défi sanitaire avec la crise actuelle mais également les problématiques de pollution d’air, d’eau, des sols ou même toute notre chaîne alimentaire ; le défi économique avec une frange de la population toujours plus importante en précarité et des disparités entre riches et pauvres comme on en a jamais connu; le défi identitaire avec une perte des repères et une remise en cause des règles et codes qui scellent notre société depuis presque des millénaires et enfin le défi éthique avec le risque croissant de la perte de notre liberté individuelle par le contrôle d’un petit nombre d’acteurs de nos données individuelles. Chacun de ces défis pris individuellement est potentiellement source de désordre social majeur avec dans de nombreux cas des risques de migrations importantes de population. S’attaquer à un défi sans approche globale peut souvent s’avérer contre-productif, comme l’a démontré le sujet de la taxe carbone avec le mouvement des gilets jaunes. Vouloir s’attaquer à ses défis nécessite de porter une vision holistique sur notre société accompagnée d’une approche globale et systémique des différents sujets en replaçant l’humain au centre de toute réflexion inspirée par le bon sens.

Nous sommes au bout d’un système et cela nous contraint à repenser fondamentalement
nos modèles et modes de vie :

Tous les signaux démontrent que nous sommes arrivés aux limites d’un système qui n’est plus tenable ni durable. Cela nécessite de notre part un changement radical de nos modèles et modes de vie. Notre modèle de société a trop longtemps négligé la condition précaire des ressources naturelles nécessaires à l’essor de notre économie avec une fuite en avant sur les 40 dernières années qui nous a conduit à un endettement record (> 200% du PIB mondial) difficilement durable. L’extension inconsidérée de l’urbanisme au niveau mondial avec trop souvent la constitution de ghettos par activités (travail, logement, enseignement, santé, commerce, divertissement, culture, etc…), vidés de tout sens social ou de préoccupation environnementale, en est une triste illustration. Les villes étant désormais la plus grande source d’émissions de gaz à effet de serre avec une part supérieure à 70%! Le résultat est donc sans appel. Nous n’avons aujourd’hui plus d’autre choix que de rompre avec les modèles d’hier. A titre d’exemple, à l’heure du numérique, il semble juste insensé de rester encore sur des modèles de bâtiments, exclusifs non évolutifs, dédiés à une seule activité, peu ou non intégrés à leur environnement et utilisés pour à peine de 30 % de leurs temps alors que des plateformes nous en permettent désormais un usage optimisé pour autant qu’ils répondent à ces critères d’évolutivité. Il en est de même pour les véhicules qui occupent près de 50 % de l’espace urbain pour un taux d’utilisation inférieure à 5% par jour !

Avec le développement de l’économie collaborative notre rapport à la propriété est profondément modifié au bénéfice d’usages décolérés de la propriété. Cette tendance nous oblige à repenser l’immobilier et la mobilité pour un usage optimisé et plus durable. L’essor du télétravail, l’évolution de l’entreprise qui fera de plus en plus appel à des compétences partagées et ne pourra plus se prévaloir comme aujourd’hui d’un capital humain exclusif ou encore l’explosion de la famille avec les familles recomposées, précipitent cette mutation en faveur de bâtiments « pluriels », multi-usages, évolutifs, associant espaces privatifs et espaces partagés. Cela induit également de nouveaux modèles économiques accompagnant cette transition et nous oblige parallèlement à repenser au plus vite les cadres normatifs et juridiques en conséquence.

Vers une société hybride :

Il s’avère en fait que sous l’impact du numérique, de nombreux fondamentaux qui ont structuré notre société depuis des décennies voire beaucoup plus, tendent à s’effriter pour être partiellement ou totalement remis en question. Il s’agit d’une évolution majeure qui touche l’ensemble de notre société pour une organisation beaucoup plus hybride. Ainsi si nos activités deviennent hybrides, si l’entreprise et la famille deviennent hybrides il doit en être de même pour les bâtiments, les véhicules et quelque part les villes. Les infrastructures vont devoir s’adapter à cette évolution pour passer d’un réseau hyper centralisé comme celui de l’énergie, de l’eau ou des déchets à des réseaux hybrides avec une production et un stockage énergétique décentralisé vraisemblablement en courant continu en complément d’un réseau centralisé en alternatif, de même pour l’eau avec un réseau de proximité pour la production ou le retraitement de l’eau avec vraisemblablement 2 réseaux (eau potable et eau grise) ou encore pour les déchets avec des retraitements locaux. Cette mutation concerne également la production industrielle avec l’essor du « fabless », de sites d’assemblages décentralisés à proximité des lieus de consommation, le BTP avec la construction hors-site, l’agriculture avec l’agriculture de proximité, voire urbaine / hors-sol, la pêche, la distribution avec des circuits courts portés par des plateformes numériques telles que les places de marché ou encore et toute l’économie circulaire. Cela concerne bien évidement la médecine, l’enseignement, la culture, le commerce, le travail… Une partie de ces activités pouvant être exercées différemment, à distance en virtuel (full online) ou semivirtuel (on line mais dans un espace dédié). Pour aller plus loin cela va toucher l’économie entière avec l’essor des crypto-monnaies locales qui portent ces transitions et accompagnent cette hybridation des échanges en complément et en parallèle de monnaies nationales ou fédérales, sans convertibilité manifeste voire souhaitée entre ces deux modèles. Cela impacte de facto notre gouvernance et la répartition des pouvoirs à tous les échelons de notre société et nous oblige par là même à repenser la gouvernance des entreprises et de l’environnement publique pour une gouvernance hybride, moins centralisée, plus neuronale (en réseau) que pyramidale, plus inclusive. C’est la force du numérique et la crise sanitaire combinée aux défis actuels de société vient précipiter cette mutation de notre société que je qualifie de civilisationnelle, ne nous laissant que peu de temps pour réagir. Les forces et atouts d’hier pouvant brutalement devenir des handicaps capables de précipiter des effondrements faute de temps.

Vouloir répondre à ces enjeux nécessite avant tout une bonne vision des enjeux. Je crois beaucoup en la théorie de la feuille blanche visant à repenser notre environnement (communauté, entreprise, commune, collectivité, région, …) ex nihilo en retournant aux fondamentaux qui ont toujours guidé nos pas en société. Alors que les villes ont toujours été le reflet de notre société voire d’une civilisation nous ne pouvons aujourd’hui garder la même organisation face aux ruptures brutales que nous vivons actuellement. Le costume ne nous convient plus du tout. Nous devons en effet repenser les bâtiments, la ville, et l’aménagement du territoire et leur gouvernance autour de fondamentaux tels que la proximité, la mixité et la durabilité. C’est un vaste chantier. C’est le chantier du 21èle siècle. C’est ce que j’appelle la 3ème révolution urbaine. Répondre aux grands enjeux actuels de société passe par cette révolution et c’est maintenant.

Saint Didier au Mont d’Or, Le 9 Novembre 2020
Emmanuel FRANCOIS
Président de la Smart Buildings Alliance
Président du fonds de dotation MAJ
@EM_Francois1

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