Le message d'Hélène Guillet : l'humain au cœur de l'action publique et des transformations écologiques"
Interview d’Hélène Guillet présidente du Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales

Le SNDGCT, forte entité nationale, représente environ 3 500 actifs, y compris métropoles et territoires ultramarins. Le SNDGCT représente les directions générales des organisations publiques territoriales avec 3 axes d’intervention :la représentation de ses membres, des contributions sur tous les champs de politiques publiques qui concernent les directions générales, des mises en réseaux, synergies et partenariats à l’échelle nationale et locale.

Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales
Vous avez pris en la présidence du Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales, pouvez-vous nous expliquer votre parcours et ce qui vous a amené à prendre la présidence du Syndicat ?
Mon parcours en direction générale s’étend sur 20 ans, à travers différentes collectivités. Mon engagement au SNDGCT a commencé en présidence départementale avant d’évoluer vers l’exécutif national, où j’ai œuvré à accompagner nos collègues dans les moments clés de leur carrière.
Quand mon prédécesseur a décidé de ne pas prolonger son mandat après 16 ans, j’ai pensé que ma candidature à la présidence nationale serait l’occasion de renouveler notre ambition.
Ce moment charnière est l’occasion pour l’ensemble du syndicat d’insuffler de nouvelles idées et de moderniser notre approche !
Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet que vous portez au sein de du SNDGCT, sur quels axes souhaitez-vous insuffler une nouvelle dynamique ?
Trois axes forts structurent notre projet de mandat. Le premier est bien sûr la représentation, la défense, la reconnaissance et la valorisation des fonctions de direction générale. Nous agissons en véritables promoteurs de ces fonctions essentielles au bon fonctionnement de nos collectivités en articulation étroite avec les élus et dans le lien avec l’ensemble des agents.
Le deuxième axe concerne notre volonté de nous positionner en tant qu’acteur clé sur les réflexions stratégiques et opérationnelles en lien avec grands champs d’action publique liés à nos responsabilités de direction générale. Il s’agit entre de contribuer aux défis des transitions, d’innover dans les modes de management, de favoriser de nouvelles formes de coopération et de travail.
Enfin, le troisième axe porte sur la coopération, les mises en réseau à l’échelle territoriale et nationale. Nous avons à cœur de travailler autrement et de favoriser les synergies et les regards croisés.

On sait les DGS sous pression… Quelles sont les tendances de fond qui transforment le métier et le rendent très challengeant ?
Les DGS occupent une place particulière dans l’organisation au croisement du politique et de l’administration. Il traduit le projet politique en stratégies et garantit la bonne conduite des mises en oeuvre. Le service public se caractérise par un triptyque unique entre les habitants, les élus et les équipes de travail. Les défis sociétaux, économiques et environnementaux s’ajoutent à l’équation, exacerbés par le développement des nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle et des réseaux sociaux.
Si l’action publique a toujours été complexe par la multitude de sujets à traiter, plusieurs tendances de fond intensifient cette complexité… Les multiples défis à relever évoqués précédemment, mais également les attentes des citoyens en matière d’efficacité de l’action publique qui est de plus en plus forte !
De plus, alors que la tendance actuelle est au repli sur soi, privilégiant les intérêts individuels plutôt que collectifs. Nous devons piloter l’action publique en plaçant l’intérêt général, qui n’est pas simplement la somme des intérêts individuels, au centre des préoccupations.
La complexité provient aussi de la multiplicité des métiers dans l’action publique – Plus de 250 ! – allant des ouvriers aux cadres dirigeants. Ces différents rôles doivent travailler en harmonie et constituer un groupe solide.
De ce fait les DGS et plus largement les équipes de direction générale sont donc confrontés à une complexité croissante et une pression constante, d’autant plus intense en période de crise. Ces contraintes, combinées aux difficultés de recrutement et à la réduction des ressources, pèsent lourdement sur eux. Malgré leur enthousiasme pour leur métier passionnant, ils sont souvent épuisés et sous pression….
Le sujet de l’attractivité des métiers est clé dans la fonction publique, quelle est votre perception de cette problématique et comment contribuer à rendre plus attractive la profession ?
En effet, l’attractivité de la profession de Directeur/ directrice Générale des Services ou adjoint (DGS ou DGA) ) est un sujet qui pose de plus en plus question.
Pour attirer de nouvelles personnes vers ce métier, encore faut-il le faire connaitre. Il doit aussi être reconnu pour ce qu’il est – un rôle clé dans l’organisation d’une collectivité, avec des défis uniques et stimulants. Les conditions de travail, la rémunération ne sont qu’une partie de l’attractivité. Il est essentiel de définir clairement les rôles et les responsabilités de chaque acteur, y compris le DGS, au sein de l’organisation…
Or ces rôles et responsabilités diffèrent considérablement en fonction de la taille et du type de la collectivité dans laquelle ils travaillent.
Une définition plus claire du rôle du DGS, à la manière des directeurs d’hôpitaux ou des organisations privées, pourrait aider à clarifier les fonctions.
En outre, le métier doit être beaucoup plus promu et valorisé pour attirer de nouvelles générations. Comment pouvons-nous espérer attirer des jeunes dans une profession dont ils ignorent l’existence ?

Pour vous, comment améliorer l’efficacité de l’action publique, quelle transformation dans les façons de travailler, de piloter les projets ?
Améliorer l’efficacité de l’action publique, c’est favoriser la compréhension et l’appropriation des problématiques qui en découlent. C’est aussi mettre en mouvement les collectifs, favoriser la coopération et la synergie, mettre en réseau car seul on ne peut pas grand chose. C’est l’une des premières responsabilités de la direction générale que d’organiser cela.
« Face aux transitions écologiques, démographiques et aux initiatives citoyennes, si les organisations publiques ne prennent pas la main, elles subiront. Donc, je pense qu’il est toujours mieux de prendre la main, de proposer d’impulser plutôt que de subir »
Pour ce faire, il y a quelques prérequis : premièrement, transférer de la compétence et de la connaissance. Deuxièmement, être très clair ou transparent sur les attentes des parties prenantes. Ensuite, travailler à l’échelle de territoire avec des synergies privées-publiques.
Il faut beaucoup de temps, d’énergie, de moyens au sens large pour réussir ce changement. Il s’agit aussi de penser la décision et les modes de travail autrement, à la fois pour l’externe et pour l’interne. Et pour être clair, je ne vois pas comment on peut réussir à l’externe si à l’interne on n’est pas déjà sur ces mouvements.
Quel est le message fort, l’idée que vous voudriez faire passez à travers cette interview ?
Le message le plus crucial et central à retenir de notre discussion est que nous devons d’abord partir des gens. Cette approche centrée sur l’humain est essentielle. Si nous commençons par l’objet ou le sujet de travail, nous passons à côté de l’essentiel, en particulier dans le contexte actuel .
Maintenir un service public performant, de qualité, qui ne se fait pas dans n’importe quelles conditions et certainement pas par le seul filtre économique. Ce sont les personnes, les équipes de travail territoriales, qui agissent au quotidien. Il relève de la responsabilité des élus et des dirigeants territoriaux de développer le pouvoir d’agir de chacun et chacune.
« Il est également de notre responsabilité en tant que dirigeants de susciter le désir, de donner envie, d’essayer d’être inspirants. Nous devons donner un cap, inviter les gens à nous suivre, les emmener dans une vision qui dit : “Venez, ça va être super”. Être inspirant peut sembler grandiloquent, mais il est crucial d’essayer de donner envie, de suivre et d’emmener les gens. »
Pour moi, ce point est intrinsèquement lié aux enjeux écologiques actuels. La transformation des organisations pour faire face aux défis, pour répondre à tout ce que nous avons discuté, ne peut pas se faire sans une transformation culturelle et les équipes doivent être au cœur de cette transformation.